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18 décembre 2010 6 18 /12 /décembre /2010 15:13

« Une expérience trop fréquemment répétée a appris aux paysans que sous les hardes du pauvre hère sans abri se dissimule facilement l'auteur de multiples rapines, le voleur de linge étendu sur les haies, de poules picorant dans les champs, de lapins mal enclos dans leur clapier, l'incendiaire des granges dont l'entrée lui est défendue, le satyre profitant de l'isolement d'une femme ou d'une jeune fille, dans les champs ou à la maison de ferme, pour assouvir sur elle, ses passions brutales…  »

Voilà ce que pensait et revendiquait Marc Réville, député du Doubs en 1908, à propos des gitans.

 

Les mentalités ont-elles tellement changées depuis plus d'un siècle ?

 

Les Roms sont des voleurs. Ils sont fourbes, ils sont sales. Ils sont cruels, détestables, bons à rien, vivent de rapines et de pillages. Ils sont analphabètes, incultes, violents, marginaux, paresseux !

Voilà l’image que nous avons des Roms aujourd'hui. Voilà pourquoi, lorsque le gouvernement lance des offensives contre eux, une minorité seulement s'en préoccupe. Une minorité seulement pour la bonne et simple raison qu'on ne les connaît pas, on ne sait pas qui ils sont, ni d'où ils viennent. On ne les croise jamais, ou très rarement. Jamais je n'ai eu d'ami(e)s Rom à l'école, tout simplement parce qu'ils la fréquentent très peu.

Or, d'après le ministère de l'éducation nationale, « L'instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six et seize ans. Elle est assurée prioritairement dans les établissements d'enseignements. » Et pourtant...

 

4.5. C’est le nombre d’années que passe en moyenne un enfant Rom à l’école.

Pour moi qui suis en première et qui ai déjà plus de 13 ans de scolarisation derrière moi, ce chiffre semble totalement incompréhensible.

Pourquoi, alors que les modalités d’inscription sont les mêmes pour tous les enfants, les Roms ont-ils tellement de mal à s’intégrer dans les écoles et à suivre une scolarité normale ?

Nomadisme, absentéisme, mauvaise volonté, retards… ces arguments contre les Roms et qui visent à justifier la restriction de leur accès à l’instruction ne sont en fait que des prétextes. La vraie raison de la difficulté d’intégration des Roms dans les écoles est le racisme, que la politique d’expulsion menée récemment par le gouvernement n’a fait que renforcer. Nous avons peur de l'inconnu. C'est de cette peur que naît le racisme, ce sentiment source d'injustice, de mépris, de haine, consistant à porter des jugements de valeurs sur des individus soit-disant inférieurs, voire nuisibles parce qu'il n'ont pas la même couleur de peau, la même culture ou le même mode de vie que nous...

Dans le Nord-pas-de-Calais, par exemple, le bus scolaire de la ville de Wimille refuse de s'arrêter devant le campement rom, parce qu'il n'y a pas d'arrêt de bus matérialisé. Mauvais prétexte. Depuis quand les bus ne peuvent-ils s'arrêter que sur un arrêt prévu à cet effet ? N'ont-ils pas de freins ailleurs ?

A Nantes, en 2007, d'expulsions en expulsions, Alexandru doit changer plusieurs fois d'école en cours d'année et perd bien vite la notion de scolarité. Ils sont nombreux ces enfants qui, n'étant pas installés sur un terrain légal, subissent les caprices des autorités qui ne se soucient pas que cette exclusion puisse entraîner aussi une déscolarisation et empêcher ainsi ces enfants de s'intégrer à la société.

 

Si aucune aide, matérielle ou morale, n'est apportée aux familles pour les aider à s'intégrer, elles ne s'en sortiront pas d'elles-mêmes.

Si les Roms ne viennent pas à l'instruction, c'est l'instruction qui doit aller vers eux.

A Béziers, un collectif s'est créé en 2006 afin d'apporter un soutien scolaire et matériel aux nombreuses familles Roms, installées sur la commune depuis 2004. Aujourd'hui, les résultats sont là : tous les enfants d'âge primaire sont scolarisés, et le retour des écoles est positif. Malheureusement, très peu de communes en France mettent en place ce genre de dispositifs, destinés à faciliter l'intégration des enfants Roms. Et lorsqu'ils ne reçoivent aucune aide, lorsqu'aucun soutien ne leur est accordé, lorsqu'ils sont contraints de devoir se débrouiller seuls ?

Ces enfants, qui arrivent en cours d’année dans une classe d’une ville qu’ils ne connaissent pas, devant des élèves et des professeurs incapables d'affronter la différence, ces enfants, sans cesse ballottés d'un bout à l'autre du pays suite à des expulsions, ces enfants qui n'ont, c'est vrai, pas la même culture, ni parfois la même langue que les autres, quelles chances ont-ils de s'intégrer correctement ?

La scolarisation des enfants Roms est la clé de leur intégration dans la société.

Mais si même l'école, lieu des premières rencontres, des premières découvertes, des premières amitiés, des premiers jeux d'enfants, si même l'école ne les accueille pas comme elle le devrait... Qui le fera ?

Aujourd'hui, 2 enfants roms sur 5 ne fréquentent pas l'école, et cela ne semble, à l'évidence, inquiéter personne...

On les voit, dans la rue, traîner, mendier, voler. Vivre comme ils peuvent, contraints de travailler dès qu'ils sont en âge de le faire pour aider leur famille. Et qu'en dit-on ? Qu'en pense t-on ? « Pff, regardez-moi ces voyous, toujours à traîner au lieu d'aller à l'école... »

 

Bien souvent, c’est vrai, les parents se montrent réticents à l’idée de confier leurs enfants à une éducation qui n’est pas la leur, mais depuis quelques temps, ils ont bien compris que l’instruction était essentielle pour s’adapter aux changements de la société. D'après le directeur d'une école primaire de Marseille, ce n'est pas la motivation qui manque aux familles Roms, mais tout simplement les moyens matériels pour assurer un suivi de scolarité correct. Car instruction ne signifie pas seulement travail et assiduité. Elle entraîne également de nombreuses dépenses, pour l'habillement, les fournitures, la cantine et les transports, dépenses qu'il est impossible aux familles de combler, étant donné que bon nombre d'entre elles trouvent à peine de quoi se nourrir dans la mendicité.

A Lyon, un jour de pluie d'octobre 2009, l'institutrice d'une école maternelle s'étonnant de ne pas voir arriver ses élèves, se rendit sur le campement Rom le soir venu et se rendit compte qu'ils pataugeaient dans la boue depuis le matin et que les parents n'avaient pas osés envoyer leurs enfants à l'école car ils n'avaient pas de vêtements secs.

Et pour ne rien arranger, sous prétexte de leur instabilité, la CAF leur refuse les prestations qui leur sont dues.

Si les roms ont à présent pris conscience de l'importance de l'école, c'est au tour de l'école d’évoluer, en aménageant des structures, ou en instaurant de nouvelles formations des enseignants… Il n’en est rien. Bien sûr, il existe des classes d'initiation, qu'on appelle CLIN, ou encore des classes d'accueil, les CLA ou CLA-NSA. Malheureusement, de nombreuses académies omettent consciemment de mettre en place ces différents systèmes et, par ce fait, les enfants roms se trouvent directement placés dans des classes ordinaires. Et lorsque ces classes spécialisées existent, le nombre de places y est bien souvent limité, et le délai d'affectation anormalement long...

En Slovénie, les Roms sont même placés dans des écoles spécialisées réservées normalement à des enfants présentant des handicaps mentaux.

 

Les conséquences ?

 

Le collectif Euro-Rom a constaté que 5000 à 6000 enfants atteindront l'âge de 16 ans sans avoir été scolarisés.

Alors que l'ONU a lancé l'année internationale de la jeunesse, comment rester insensible au sort de ces enfants, privés de ce droit inaliénable, inscrit dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme ?!

D'après l'article 26 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, « toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. »

Dans ce pays qui se dit « pays des droits de l'homme », comment peut-on accepter de telles inégalités, de telles discriminations face au savoir ? Dans ce pays où l'école est obligatoire, comment est-ce possible que tant d'enfants en soient privés ?
En collaboration avec l'Unesco, le Conseil de l'Europe travaille pour garantir le droit des enfants Roms ; mais la tâche est ardue, et si tous les discours des hommes politiques convergent vers l'importance de l'école dans l'intégration à la société, on peut craindre que ces enfants considérés comme hors école, deviennent définitivement hors-la-loi.

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commentaires

B
<br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Excellent, travail approfondie, texte clair net et précie, on te sens concerné par ce sujet .Bref, tout ce que je serai incapable de faire .<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Ouais, le texte est vraiment bien construit, j'ai cru lire un article de journal :).<br /> <br /> <br /> <br />
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Q
<br /> <br /> Comme je te l'ai déjà énoncé en IRL, je trouve ce texte très vrai et bien construit. <br /> <br /> <br /> Je félicite (pour changer) ton précieux travail de recherche.<br /> <br /> <br /> Comment ne pas être convaincu, ne pas s'allier à la bonne cause après avoir lu ou bien entendu une plaidoirie pareille ? <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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